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Les DRH bousculées par l’accélération du changement

Une opportunité de rénover la fonction et de la mettre au service de la transformation de l’entreprise !

Crise sanitaire, crise économique, complexification de la législation (droit du travail, RPS, réformes successives de la FPC…), réseaux sociaux, difficultés à recruter, désengagement des collaborateurs … la révolution du travail s’accélère et vient singulièrement impacter les relations dans l’entreprise mais aussi le positionnement des Ressources Humaines au sein des organisations. Poussée par la digitalisation de la fonction, l’essor de l’Intelligence Artificielle et de la Data et les nouveaux modes de travail, cette « disruption » des RH est aggravée par les nouvelles exigences en matière de Responsabilité Sociale des Entreprises. On est en train d’assister à un changement de paradigme et à une quasi inversion des facteurs : il ne s’agit plus de gérer des Ressources Humaines mais de cultiver et développer les talents en tant que véritables « assets ». De la « main d’œuvre » que l’on encadre, on passe à une force vive qu’on se doit de mobiliser et d’accompagner. La nature même du contrat de travail glisse subrepticement du contrat de « subordination » à une situation où le salarié ne se veut plus « co-llaborateur » (qui participe à un travail, une tâche), mais « co-opérateur » (qui contribue à une œuvre plus grande que lui par conviction). Ce qui implique plus que jamais de savoir donner du sens à l’activité quotidienne et de la perspective aux acteurs.

Ainsi, aujourd’hui la fonction RH a une véritable occasion de sortir de son simple rôle de fonction « support » et d’affirmer sa fonction stratégique. Parmi les facteurs les plus saillants de cette évolution, la nécessité d’une marque employeur forte renforcée par une expérience collaborateur — qui rayonne à l’intérieur comme à l’extérieur et augmente la valeur de l’entreprise — mais aussi une opportunité pour les DRH de prendre un rôle prépondérant dans l’accompagnement des transformations de l’entreprise

Désormais il n’est pas rare de voir la partie administrative des RH être rattachée aux départements Juridique (contrats, déclaration sociales…) et/ou Finance (déclarations fiscales, paye, taxes d’apprentissage…) ce qui libère de la bande passante pour de nouveaux rôles RH à forte valeur ajoutée :

  • Prospective métier et planification stratégique ou “Workforce Planning”
  • Organisation apprenante et “Talent Factory”
  • Pilotage de la transformation culturelle et organisationnelle
  • Qualité de vie au travail et expérience collaborateur
  • Nouveaux modes de travail

Prospective métier et planification stratégique ou “Workforce Planning”

Pour servir le plan de développement de l’entreprise la DRH devient un chasseur de tendances. Elle doit pouvoir anticiper l’obsolescence de certains métiers et pressentir l’émergence de nouveaux rôles et compétences. Pour ce faire, il lui est essentiel d’entrer dans une démarche prospective en identifiant les métiers qui vont disparaître en collaboration étroite avec les opérationnels, ceux qui doivent évoluer et ceux qui sont en train d’incuber ainsi que les savoir-faire et savoir-être à renforcer ou à impulser. Une fois cette vision d’avenir construite, la DRH est à même de quantifier et de qualifier les écarts entre les ressources actuelles et les besoins potentiels dans le futur et de préparer son plan d’action en termes de recrutement, rétention, mobilité interne, parcours et formation. A l’heure du Digital et des réseaux sociaux, cela implique de se mettre au diapason des nouveaux modes de recrutement et de formation mais aussi de construire et proposer des parcours d’évolution de plus en plus individualisés et au plus près de la réalité des métiers. En recrutement, l’attractivité de la marque Employeur est un levier puissant mais aussi la maîtrise des réseaux sociaux professionnels et la pénétration des viviers de collaborateurs que sont les Campus et Grandes Ecoles ainsi que les collaborations avec les corps académiques et le secteur de l’Education et de la Recherche. Apprentissage, alternance, AFEST sont également autant d’opportunités de préparer le terrain. Enfin, la mise en place d’une organisation apprenante scellera la promesse de jours encore meilleurs et d’un enrichissement individuel et collectif permanent.

Organisation apprenante et “Talent Factory”

Avec des cycles d’évolution de plus en plus courts, un nouveau défi se pose pour l’entreprise et en particulier pour les DRH : mettre à jour les compétences clés en temps réel. Cette dimension d’accompagnement du « workforce planning » implique que les collaborateurs soient en mesure de se former en continu. Ainsi la première compétence devient celle d’apprendre et le rôle de l’entreprise de fournir les conditions d’exercice, sans cesse renouvelées, de cette responsabilité à l’instar des profils de « learning animals » prisés par Google. L’entreprise doit passer de son obligation annuelle de formation à la mise en œuvre d’une expérience apprenante en continu, assortie du meilleur de l’innovation. Une expérience fluide, immersive, personnalisée, collaborative, disponible partout et à toute heure, enrichie des apports des sciences cognitives et de l’Intelligence Artificielle (IA). Le métier de la Formation s’efface au profit d’un métier protéiforme de designer d’expérience, facilitateur d’apprentissage, fin diagnostiqueur des besoins et marketeur de solutions autour de trois tendances éprouvées au cœur d’un des écosystèmes les plus innovants de la planète, la Silicon Valley : Invisible Learning, Attractive Learning et Exponential Learning.

L’Invisible Learning apporte la formation par l’expérimentation. Le participant passe de la formation statique à l’apprentissage dynamique en lien direct et opérationnel avec ses besoins au quotidien. Le concept de Learning in Flow of Work proposé par Josh Bersin privilégie les formats courts (micro-learning ou bite-sized learning) qui s’intègrent dans la continuité de la production ou du service. C’est l’exemple de l’application Loop chez Apple Retail (partage vidéo de bonnes pratiques en quelques minutes) ou de la fonction Explore de Google Docs. (suggestion de formats). De plus en plus de plateformes de formation à distance proposent également une expérience similaire à ce que font Netflix ou Spotify en repérant les préférences du participant et en lui poussant des suggestions de contenus. Certaines de ces plateformes offrent également la possibilité de s’intégrer aux outils de travail comme Slack, Salesforce ou Oracle. D’autres facilitent la création spontanée de contenus par des collaborateurs experts d’un sujet dans une logique vertueuse de partage infini. C’est cette même logique qui tend à généraliser le peer-to-peer, le reverse mentoring et le social learning car chaque point de contact devient une opportunité d’apprentissage.

Ensuite, l’attractive Learning est le principe selon lequel l’engagement des collaborateurs est la recette de l’efficacité. Il convient de donner envie aux collaborateurs de participer activement à son développement en « enchantant » son expérience apprenante : pertinence et diversité des contenus et des formats, facilité d’accès n’importe où, n’importe quand, sur n’importe quel « device », fluidité et rapidité des solutions. Quant à la personnalisation des parcours elle est aujourd’hui facilitée par l’Intelligence Artificielle qui alimente l’adaptative learning. Des plans de formation ou parcours personnalisés peuvent être calculés par les données générées par l’apprenant lui-même sur la base de son profil RH, de ses objectifs et de ses usages (modules déjà suivis ou consultés, articles lus, vidéos visionnées). La diversification et la qualité des supports est clé : gamification, réalité virtuelle, lieux inspirants, auteurs ou orateurs réputés, expériences immersives…

Enfin l’exponential Learning part de la cartographie des compétences initiées avec le workforce planning qui permet d’identifier les compétences manquantes et d’envisager où et comment aller les chercher. Les Index digitaux pour mesurer les connaissances digitales d’une équipe ou d’une organisation ont cette fonction. Par ailleurs, la formation peut devenir catalyseur d’innovation en proposant des programmes d’innovation participative ou d’intrapreneuriat. Enfin la culture du feedback est un excellent terreau d’amélioration continue. Et si votre Direction générale vous dit “Si on les forme et qu’ils partent …” sachez que Richard Branson a répondu à cette question “Et si vous ne les formez pas et qu’ils restent ?”.

Pilotage de la transformation culturelle et organisationnelle

La DRH a tout intérêt à se saisir du pilotage des programmes de transformation et d’ainsi concrétiser son positionnement au service de la stratégie. Au-delà des fonctions de PMO ou Program Management Office nécessaires au déploiement, c’est l’analyse et le traitement de la dimension culturelle et humaine du changement qui est la clé de voûte du dispositif. Vous pouvez changer les process et les outils, s’il n’y a pas d’appropriation et d’adhésion, l’entreprise y laissera plus de temps et d’argent. La DRH est particulièrement bien placée pour capter les signaux faibles, anticiper les résistances et mettre en place les modes collaboratifs pour lever les freins au changement. Elle peut d’autant porter le projet d’entreprise qu’il devra s’incarner dans les process de recrutement, de développement des compétences et de management de la performance. Le rôle model du manager est au cœur du moteur, tant pour des raisons d’incarnation que d’exemplarité. La vision doit être claire et partagée, les valeurs de l’entreprise incarnées dans le quotidien et intégrées aux objectifs, les principes de management co-construits. Il est ensuite plus crédible de mettre en place des organisations responsabilisantes autour d’un empowerment voulu et non subi par décret et du développement de principes agiles comme la coopération, l’adaptation, l’accueil favorable du changement, le face à face, la simplicité. A cet égard le Manifeste Agile reste la référence autour de 4 valeurs et 12 principes comme autant de repères dans un monde VUCA (Volatile, Uncertain, Complex, Ambiguous).

La DRH est aussi légitime à interroger l’entreprise sur sa culture ambiante pour la confronter aux évolutions de son écosystème et considérer les écarts à combler pour rester dans la course. Plus la culture est ancienne et corporatiste, moins elle est encline à se remettre en cause. En effet, la culture est comme la partie immergée d’un iceberg ou une machinerie qui conditionne en sous-sol l’Operating System de l’entreprise : comportements, process, organisation… Selon une conception plus organique de l’entreprise, elle agit aussi comme une sorte de code ADN qui contient des informations génétiques influant sur le fonctionnement de l’ensemble du corps social. Or, une étude de John Kotter et James Heskett, professeurs à la Harvard Business School, sur 207 entreprises a démontré la corrélation entre culture et performance. Les entreprises qui ont survécu à leurs concurrents ou ont le mieux réussi sont celles qui ont piloté de vrais changements culturels. Cela implique d’amener l’ensemble des collaborateurs à considérer les évolutions de leur écosystème, de mettre à jour les croyances limitantes à l’œuvre dans l’organisation et de les remplacer par des modes de fonctionnement plus adaptés à l’évolution du contexte et relayés par les politiques RH dans les façons de travailler, de recruter, d’accompagner le développement des collaborateurs, de reconnaître la performance…

Qualité de vie au travail et expérience collaborateur

QVT, RPS, bien-être au travail ne sont pas des buzz words. De même que le télétravail n’est pas une simple mode liée aux uniques effets de la pandémie. Les préoccupations et critères d’adhésion des collaborateurs à l’entreprise changent et font passer la culture du KPI – Key Performance Indicator à la culture du KPI – Key People Indicator[, avec des collaborateurs qui aspirent à être informés, motivés, accompagnés, reconnus et ont maintenant leur NPS – Net Promoter Score Employee (NPSE) comme de véritables clients. La méthodologie des OKR est à cet égard représentative du glissement du Management par objectifs assignés au Management par objectifs partagés. Les DRH et la Communication Interne sont désormais chargés de sonder les salariés à travers des enquêtes dites d’engagement ou d’opinion. Mais que veut-on savoir ou mesurer ?

D’abord, la satisfaction d’attentes de base comme les espaces et les conditions de travail, l’ambiance générale et la charge.

Ensuite, des besoins plus sociaux comme les relations entre collaborateurs et avec son manager, la qualité des échanges et de la coopération, le degré de confiance en l’entreprise et avec ses différents interlocuteurs et la qualité du feedback.

Puis le développement personnel et professionnel par la qualité et la pertinence de la formation, l’équité, la transparence et l’impact des systèmes de reconnaissance et de valorisation.

Et enfin, des besoins plus aspirationnels comme la fierté d’appartenance, le sens de son travail, la capacité à innover et à évoluer.

Autant de sujets qui doivent être traités en pyramide à la façon de Maslow. Si les premiers besoins ne sont pas garantis, les seconds seront impossibles à installer. Inversement ne traiter que les premiers ne sera pas condition nécessaire et suffisante à l’attractivité et à l’engagement. Chaque marche de la pyramide porte des questions à traiter et des actions préventives ou correctives à mettre en place en fonction des réponses obtenues. La qualité des enquêtes ou des modes de questionnement (questionnaires, focus groupes, ateliers…) et la capacité de l’organisation à mettre en place et suivre les plans d’action sont déterminantes. Il existe heureusement de nombreuses façons de prendre le pouls de vos équipes afin de recueillir du feedback et d’agir pour améliorer leur expérience collaborateur et leur engagement.

Nouveaux modes de travail

Flex office, télétravail, hybride, nomade, asynchrone mais aussi semaine de 4 jours, méthodes collaboratives, diminution des niveaux hiérarchiques, essor des communautés, créativité et innovation participative, learning expeditions… C’est l’effervescence dans les couloirs et hors des murs ; de quoi donner le vertige aux DRH et aux managers. Or, il y a plusieurs bonnes raisons de céder à ces évolutions. D’abord des raisons économiques liés aux charges fixes en matière de locaux par exemple : télétravail, nomadisme et co-working réduisent les besoins en espaces de bureaux avec le bénéfice secondaire de libérer les collaborateurs qui le peuvent ou le souhaitent de la contrainte et de la perte de temps et d’énergie liée aux trajets et aux conditions de déplacement. On identifie aussi des aspirations individuelles liées à la flexibilité des horaires pour un meilleur équilibre vie professionnelle / vie personnelle. Et pour ceux qui y ont accès, la Digital Workplace contribue à l’efficacité au travail en rassemblant toutes les applications métiers au même endroit, évitant aux collaborateurs de dépenser de l’énergie à naviguer entre différents outils.

Pour mettre en place ces nouveaux modes de travail il est néanmoins recommandé de prendre quelques précautions pour en assurer l’adoption. D’abord consulter les parties prenantes concernées pour mieux connaître leurs attentes et préfigurer ensemble les solutions envisageables. Ensuite informer, communiquer et tester pour introduire les changements au fur et à mesure et ajuster les produits, services ou dispositifs mis en œuvre. Il sera certainement nécessaire de repenser au moins partiellement l’environnement de travail (postes de travail, ergonomie, configuration des espaces…) et l’organisation (règles de fonctionnement, process…). Les managers seront au front et auront besoin d’être accompagnés pour manager à distance, adopter une posture de manager-coach, maintenir le lien et la cohésion. Enfin vous ne ferez pas l’économie d’outils collaboratifs pour échanger, partager des dossiers, communiquer, coopérer, rester connectés

Une DRH qui se transforme pour servir la transformation de l’entreprise

En résumé, la DRH est appelée à abandonner certains rôles et à en endosser de nouveaux pour accompagner les évolutions structurantes de l’entreprise. Les nouveaux attendus supposent de nouvelles compétences et un positionnement transversal d’une DRH auparavant « bunkerisée » et organisée en silos distincts : recrutement, formation, affaires sociales, paye… Ces silos s’effacent au profit de la mise en place d’une « galaxie » et d’actions collectives, concertées et co-pilotées tant entre « services RH » qu’avec les responsables opérationnels et les collaborateurs eux-mêmes. Nous assistons à l’émergence d’une DRH « augmentée » qui tend à fonctionner en mode « étendu » en faisant appel à du conseil et à des partenariats ouverts sur l’extérieur : échanges de collaborateurs, mécénat de compétences, partenariats avec des institutions académiques ou le monde de la recherche, univers des startups, et autant de prestataires innovants (fournisseurs de solutions comme des SIRH, LMS ou plateformes collaboratives, concepteurs de serious games ou de contenus digitaux de formation, organisateurs de learning expeditions, observatoires de tendance, clients mystère…).

“La folie c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent” Albert Einstein

Et vous qu’êtes-vous prêt à changer ?

About the author

  • Fabienne SPECK Directrice

    Forte de ses 30 années d’expérience professionnelle dans le Conseil RH et en postes de Direction Développement RH et Formation, Fabienne est une experte du Conseil en Transformation, Développement des Ressources Humaines et Universités d’entreprise.

    contact@valthena.com
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