Eclairages et perspectives
Private Equity : L’Essor des Operating Partners, Au-Delà de la Simple Ingénierie Financière

Le secteur du Private Equity (PE) connaît une transformation majeure dans un contexte économique incertain. Avec la raréfaction des cibles d’investissement, les fonds se concentrent davantage sur l’optimisation des actifs existants plutôt que sur la multiplication des transactions. Parallèlement, la hausse des taux d’intérêt a limité l’accès à la liquidité, incitant les acteurs du marché à privilégier l’amélioration opérationnelle comme principal levier de croissance.
Depuis la crise financière de 2008, les États-Unis ont renforcé leur approche axée sur l’optimisation opérationnelle, intégrant la transformation des entreprises comme un levier clé de création de valeur, tout en maintenant les stratégies financières traditionnelles. C’est dans ce contexte que le rôle d’Operating Partner a émergé et continue de se développer, répondant à la nécessité pour les fonds d’accompagner leurs participations dans l’amélioration de leur performance.
Aujourd’hui, avec des taux d’intérêt durablement élevés, les limited partners (LPs), investisseurs des fonds de PE, privilégient des stratégies fondées sur des équipes opérationnelles performantes plutôt que sur l’ingénierie financière. Ils recherchent des compétences spécifiques en optimisation des opérations, exigeant une expertise sectorielle et fonctionnelle pour améliorer la performance des portefeuilles et optimiser les futurs investissements.
L’émergence et l’évolution du rôle d’Operating Partner aux États-Unis et en Europe
Genèse du rôle d’Operating Partner dans le Private Equity :
Le rôle d’Operating Partner dans le Private Equity (PE) a vu le jour aux États-Unis dans les années 2000, et s’est particulièrement développé après la crise financière de 2008. À cette époque, la création de valeur dans les entreprises en portefeuille reposait principalement sur des stratégies de financial engineering, telles que l’effet de levier (LBO), la restructuration financière et la réduction des coûts. Cependant, avec l’augmentation de la concurrence sur le marché du PE et la diminution des opportunités de financement facile, l’accent s’est progressivement déplacé vers la création de valeur par l’amélioration opérationnelle.
Pour répondre à cette évolution, les fonds de PE ont commencé à intégrer des experts en transformation d’entreprise, capables de générer des gains de productivité et de croissance organique, en complément de la gestion purement financière. C’est ainsi qu’est né le rôle d’Operating Partner, destiné à apporter un savoir-faire stratégique et opérationnel dans la gestion des entreprises du portefeuille.
Aujourd’hui, le rôle des Operating Partners s’est considérablement renforcé. Selon une étude récente de PWC1, 47 % de la création de valeur en Private Equity provient désormais d’initiatives opérationnelles (vs opérations financières). La fonction a atteint une certaine maturité, notamment dans les fonds de Private Equity Mid Cap et les fonds Venture Growth/Late Stage.
Les Operating Partners, moteurs de la performance des entreprises :
Dans le capital-investissement, les Operating Partners apportent une expertise opérationnelle complémentaire aux dealmakers, en intervenant tout au long du cycle d’investissement. Issus de la direction d’entreprise (CEO, COO, CFO) ou spécialisés en transformation, ils optimisent la croissance et la performance.
L’Operating Partner intervient à chaque étape du cycle de vie de l’investissement :
- En amont de l’acquisition : évaluation des axes d’amélioration et des opportunités de création de valeur
- Durant la phase de détention : mise en œuvre de stratégies de transformation (processus, digitalisation, innovation, réduction des coûts)
- Lors de la cession : sécurisation des résultats pour maximiser la valorisation
Les Operating Partners jouent un rôle clé dans l’exécution des stratégies de développement, en collaboration avec les équipes dirigeantes. Leur expertise en transformation, acquisitions et organisation renforce la création de valeur en private equity et venture capital.
L’essor progressif du rôle en Europe et en France :
Si le modèle des Operating Partners est bien ancré aux États-Unis, son adoption en Europe et en France est plus récente et plus progressive. D’après le Livre Blanc sur les Operating Partners en France, publié par France Invest2, le métier est en pleine expansion, notamment sous l’effet de plusieurs facteurs :
- L’augmentation du nombre de deals nécessitant des compétences en transformation et en restructuration plutôt qu’une simple optimisation financière
- Une prise de conscience croissante des fonds sur l’importance de la création de valeur opérationnelle
- Une préoccupation de plus en plus forte des fonds d’investissement d’avoir un impact social et environnemental positif
La croissance du nombre d’Operating Partners témoigne d’une prise de conscience accrue de leur valeur ajoutée.
Selon France Invest2, le nombre d’Operating Partners en France a été multiplié par 2,4 entre 2019 et 2024, passant de 76 à 185, dont près de 70% en en Private Equity et 30% en Venture Capital.
Ce sont principalement les fonds de Private Equity Mid Cap et de Venture Capital Growth/Late Stage qui ont renforcé cette fonction. Certains fonds ont même structuré une équipe entière d’Operating Partners, représentant une part significative de leurs effectifs. C’est le cas de LBO France, qui fait office de précurseur, où l’équipe d’Operating Partners constitue aujourd’hui plus de 10 % des effectifs du fond, en alignement avec la stratégie du fond de favoriser la performance opérationnelle.

Freins liés à la sollicitation d’un OP :
Cependant, le marché européen présente encore des réticences vis-à-vis de ce modèle, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le poids du Private Equity dans le tissu économique est bien moindre en Europe qu’aux États-Unis. En France et en Europe, le nombre d’entreprises ayant un fonds d’investissement à son capital reste plus limité. Enfin, la culture encore très financière du Private Equity européen privilégie traditionnellement l’ingénierie financière et les montages transactionnels à l’optimisation opérationnelle. Avec également des structures de fonds souvent plus petites qu’aux États-Unis, ces freins sont autant de raisons qui limitent encore la capacité d’investissement dans des équipes internes ou externes dédiées à l’amélioration opérationnelle.

Impact de la présence d’OP sur la performance de l’entreprise :
Pourtant, d’après les données recueillies par l’association France Invest2, les Operating Partners constituent un levier avéré de performance tout au long de la période de détention de l’entreprise, tout en jouant un rôle clé dans la prévention de la sous-performance.
Les investissements bénéficiant de l’accompagnement d’un OP enregistrent une surperformance financière par rapport aux opérations menées sans leur intervention, permettant ainsi de créer de la valeur plus rapidement.
- Le TRI brut moyen est plus élevé de 9 points (en moyenne 35 % avec OP vs. 26 % sans), et le multiple cash on cash est en moyenne de 3,4x vs. 2,9x sans OP
- La création de valeur liée à l’effet résultat est plus élevée de 37 % avec un OP.
- La présence d’un Operating Partner permet de réduire le risque du General Partner (GP) : on note presque 2x moins de deals sous performants (TRI brut)

Sources :
(1) : How private equity operating partner roles are changing : PwC
(2) : Etude Exclusive Club Operating Partners de France Invest / Alvarez & Marsal Décembre 2024 9460_A&M_454463_PEPI_FR_France invest OP report_FINAL (1).pdf
(3) : L’impact des Operating Partners auprès des chefs d’entreprise (Deloitte) Le métier d’Operating Partner devient essentiel en France dans les opérations de création de valeur | Deloitte France